Stratégies de marque : pourquoi la food est devenue la nouvelle vitrine du luxe ?
La food et la mode, flirtent depuis longtemps. En 1920 déjà, Joséphine Baker montait sur scène parée de sa célèbre « ceinture bananes ». Plus tard, fast-food et chips faisaient irruption dans la collection “Chloé printemps 2001”. Sans oublier la célèbre robe en viande de Lady Gaga ! Rien de neuf donc ? Et pourtant, un tournant s’opère : aujourd’hui, luxe et gastronomie se rapprochent plus que jamais, et cette fois, ce n’est plus anecdotique.

De la collab pâtissière à la stratégie de marque
Depuis plusieurs années, les marques de luxe organisent des dîners exclusifs, ouvrent leurs propres restaurants (comme Lacoste ou Ralph Lauren) et collaborent avec les plus grands chefs. Mais récemment, c’est dans l’image de marque et la communication que la nourriture prend une place centrale : elle devient un véritable outil de storytelling visuel, un élément de désir, voire un nouveau symbole de statut social.
La food : langage universel du marketing
Si les marques se tournent vers l’alimentaire, c’est d’abord pour sa puissance symbolique. Facile à identifier, la nourriture parle à tout le monde. Comme le dit Miles Canares, fondateur de Family Style : « La nourriture est le langage le plus universellement compris. »
Ce n’est pas un hasard si les marques de beauté l’utilisent déjà. Par exemple, Gisou s’associe au miel pour évoquer douceur, brillance, onctuosité, un aliment qui sert parfaitement sa promesse cosmétique premium.
En mode, l’aliment devient un vecteur d’émotion : il rend un produit plus « gourmand », plus attirant, plus « digestible » dans tous les sens du terme.

Exemples de campagnes gourmandes : Yves Saint Laurent et LOEWE

Dans sa campagne “Un moment ordinaire”, Yves Saint Laurent met en scène un pique-nique champêtre, loin des palaces. Des mannequins dégustent du thé et des pâtisseries dans une ambiance bucolique. Un décor simple, presque banal… et c’est là toute la stratégie : inscrire le luxe dans le quotidien, le rendre plus humain, plus accessible, tout en le sublimant.
Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres : ouvrez l’œil et vous verrez que les collaborations mode X gastronomie fleurissent dans vos feed. Par exemple, LOEWE semble dernièrement s’associer au symbole de la tomate. Montgolfière, packaging, sac… la tomate est partout et elle est loin d’être le seul végétal à envahir la marque : on aperçoit aussi sur leurs réseaux sociaux pommes et citrouilles.

Un nouveau symbole de richesse
Sur les réseaux sociaux, certains vont plus loin : pour eux, cette tendance reflète quelque chose de plus profond, les internautes parlent même de “prochaine phrase de l’excès performatif”.
L’influenceuse @kfesteryga, connue pour ses prédictions alimentaires, était l’une des premières à théoriser cela dans sa vidéo virale du 28 janvier 2024. Elle explique que dans un contexte de crise, où même l’alimentation devient coûteuse, la nourriture elle-même devient un produit de luxe. Il s’agit désormais d’un symbole d’abondance et de rareté méritant d’être exposé comme une œuvre d’art.
Elle prend comme exemple le centre de table de Kim Kardashian décoré de raisins et de roses pour illustrer cette nouvelle esthétique de l’abondance superflue.
Elle déclare dans sa vidéo : « Qu’est ce qui évoque plus la richesse et l’excès de richesse que d’avoir un surplus de nourriture que l’on ne mange pas, surtout hors saison et qui ne sert plus que de décoration de table pour vos fêtes ? »
Food et luxe devient une expérience sensorielle
Michael Scanlon, directeur créatif de l’agence Chandelier, résume bien ce tournant : « La nourriture est devenue un symbole de statut social. Elle incarne le luxe, l’expérience, le goût et les bons moments partagés. »
Aujourd’hui, le luxe ne vend plus seulement un produit, mais une expérience. Et quoi de plus sensoriel, émotionnel et mémorable qu’un moment gourmand ? La nourriture devient donc le parfait support pour scénariser la marque, créer de la connivence et générer du contenu partageable.
Par exemple, Hermès, Prada, Loewe ou Mytheresa s’associent à des chefs pour proposer des créations culinaires visuelles ultra instagrammables et Louis Vuitton a fait parler sur les réseaux sociaux avec son sac à main en chocolat. Et il ne s’agit que de quelques exemples parmi tant d’autres.

Et côté food, c’est l’inverse : certaines maisons se comportent désormais comme des marques de luxe, avec des produits rares, des réservations difficiles et des expériences haut de gamme.
Désir d’époque, food et luxe
La montée en puissance de la gastronomie est aussi le reflet de notre époque. Aujourd’hui on le voit bien, ce qui buzz sur les réseaux sociaux c’est entre autres : les restaurants expérientiels, les croissants de Cédric Grolet, les trompe-l’oeil et dégustations surprenantes… Tout concourt à faire de la nourriture un objet de désir culturel autant qu’un plaisir gustatif.